selon Alain
Alain, La perception
Patrick Dupouey
samedi 29 décembre 2007, par Dupouey Patrick
Démarche réflexive qui prend pour objet l’expérience commune : « ma perception la plus ordinaire ». Alain cherche « ce que je pense [je souligne] dans ma perception ». « L’objet est pensé et non pas senti » (81, I, 8 : « De l’objet » ; P&S, 1093). Penser ce qu’il y a de pensée dans la perception.
Cette pensée peut – et même doit ici – se comprendre de plusieurs manières :
1
/ Sens large, cartésien : « Tout ce qui se fait en nous de telle sorte
que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ; c’est pourquoi non
seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir, est la même
chose ici que penser » (Descartes, Principes de la philosophie, I, 9). «
Par le nom de Pensée, je comprends tout ce qui est tellement en nous,
que nous en sommes immédiatement connaissants » (Réponses aux secondes
objections, Raisons qui prouvent …, définitions, I.) « Qu’est-ce qu’une
chose qui pense ? […] une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui
nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent »
(Méditation II). « En prenant le mot de pensée comme je fais, pour
toutes les opérations de l’âme » (à Reneri pour Pollot, avril – mai
1638). La tâche définie par le texte consiste donc en une analyse du
fait global de la perception.
2
/ Sens restreint : l’activité intellectuelle, par opposition à tout ce
qui relève de la sensibilité ou des affects. Il s’agit alors de dégager
du phénomène global de la perception la contribution spécifique de la
part intellectuelle.
3
/ Mais aussi, en un sens à la fois plus précis et encore différent, «
pensée » a ici le sens qu’il a toujours chez Alain, c’est-à-dire d’un
exercice contrôlé et maîtrisé de l’ensemble des facultés. La perception
est une activité, placée sous la direction de la volonté. On lit dans
les Définitions pour le mot « penser » : « C’est peser ce qui vient à
l’esprit, suspendre son jugement, se contrôler soi-même et ne pas se
complaire. Penser, c’est passer d’une idée à tout ce qui s’y oppose, de
façon à accorder toutes les pensées à l’actuelle pensée. C’est donc un
refus de la pensée naturelle, et, profondément, un refus de la nature,
qui en effet n’est pas juge des pensées. Penser c’est donc juger que
tout n’est pas bien en nous comme il se présente ; c’est un long travail
et une paix préalable ». C’est le cartésianisme d’Alain, dont on verra
qu’il n’est cependant pas la seule composante de sa philosophie de la perception.
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